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Quand faire appel à l’article 1195 du Code civil ?

Avocats en discussion dans un bureau lumineux

Certains contrats résistent mal aux bouleversements imprévisibles. La lettre du contrat ne suffit plus, les parties se retrouvent confrontées à des obligations devenues excessivement lourdes sans faute de leur part.

Le Code civil permet, sous conditions strictes, d’obtenir une renégociation lorsque l’équilibre contractuel est rompu par un changement de circonstances imprévisible. Cette faculté, longtemps ignorée ou écartée, s’impose désormais dans la gestion des relations contractuelles en temps de crise.

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Crises et bouleversements : pourquoi l’imprévision s’impose dans la gestion des contrats

La crise du COVID-19 puis la guerre en Ukraine ont mis en lumière la fragilité des contrats face à des faits d’une ampleur inédite. Explosion du prix du gaz, envolée des matières premières, ruptures d’approvisionnement : autant de changements de circonstances qui restaient hors du champ d’anticipation lors de la conclusion du contrat. Dans ces conditions, la notion d’imprévision se révèle comme un levier juridique devenu incontournable.

L’ordonnance de 2016 portant réforme du droit des contrats a ouvert la voie à l’article 1195 du Code civil. Ce texte tourne la page d’une jurisprudence rigide, notamment celle du Canal de Craponne. Désormais, si l’exécution du contrat devient excessivement onéreuse pour une partie, sans que la prise de risque ait été acceptée, la renégociation entre en scène. Là où la force majeure rend l’exécution impossible, l’imprévision laisse le contrat debout mais bouleverse son équilibre financier.

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Voici quelques illustrations concrètes de l’imprévision retenue par les juges :

  • La crise du COVID-19 a été admise comme un changement de circonstances imprévisible donnant lieu, dans plusieurs décisions, à une révision des contrats.
  • L’explosion du prix du gaz liée à la guerre en Ukraine a également été reconnue dans certains litiges.

La distinction est nette : la force majeure suspend ou éteint le contrat ; l’imprévision, elle, impose une discussion pour tenter de restaurer l’équilibre. Impossible, aujourd’hui, de traiter la gestion des risques contractuels sans intégrer cette réalité. Entreprises, collectivités, professionnels : tous doivent désormais tenir compte de cette nouvelle donne dans la négociation et l’exécution de leurs engagements.

À quelles situations concrètes s’applique l’article 1195 du Code civil ?

L’article 1195 du code civil s’applique dès lors qu’un contrat bascule dans l’excessivement onéreuse à la suite d’un changement de circonstances imprévisible survenu depuis sa formation. Il ne s’agit pas de simples aléas, mais bien de bouleversements majeurs, totalement indépendants de la volonté des signataires. La crise du COVID-19 ou la guerre en Ukraine, qui ont désorganisé les chaînes d’approvisionnement et fait bondir le prix du gaz ou des matières premières, illustrent parfaitement le niveau d’intensité requis.

Le recours au juge reste l’ultime étape. Seule la partie contractante qui se retrouve dans une situation intenable peut demander la révision du contrat. Les tribunaux, à commencer par le tribunal de commerce de Paris et la cour d’appel de Paris, exigent la preuve de l’imprévisibilité et de l’excès d’onérosité. La renégociation avec l’autre partie doit toujours précéder toute procédure judiciaire.

Voici des cas fréquemment rencontrés :

  • Les marchés publics confrontés à des hausses soudaines et massives de coûts.
  • Les contrats commerciaux touchés par des envolées imprévues des prix des matières premières.
  • Les situations où aucune clause d’imprévision ou hardship n’a été prévue, laissant l’article 1195 s’appliquer.

L’article 1195 n’est pas impératif : une clause d’exclusion peut en limiter la portée. À l’inverse, une clause de hardship permet d’encadrer la révision, en précisant les conditions d’alerte, de négociation et, si nécessaire, de recours au juge. Les clauses d’indexation, quant à elles, restent en dehors du dispositif.

Les étapes clés pour activer la révision d’un contrat en cas d’imprévision

Déclencher l’article 1195 du code civil suit un parcours précis, encadré par la jurisprudence et la pratique. La partie contractante qui subit une exécution excessivement onéreuse doit d’abord notifier formellement son cocontractant. Cette notification, détaillée et argumentée, présente le changement de circonstances imprévisible (qu’il s’agisse, par exemple, d’une crise sanitaire, d’une hausse brutale des prix ou d’un conflit géopolitique) et son impact sur la viabilité de l’accord.

La renégociation s’engage alors. Les parties confrontent leurs positions, étudient les options, parfois épaulées par des professionnels. La bonne foi reste le fil conducteur : tant que possible, l’exécution du contrat se poursuit, sauf impossibilité manifeste. Plusieurs issues sont envisageables : adaptation des tarifs, révision des délais ou répartition des surcoûts.

Si le dialogue échoue, la voie judiciaire s’ouvre. La partie demanderesse saisit le juge par une procédure « au fond » ; la procédure de référé n’est pas adaptée ici. À ce stade, il faut convaincre : la charge de la preuve porte sur l’imprévisibilité et le caractère insupportable de l’onérosité. Le juge dispose alors de trois options : réviser le contrat, y mettre fin, ou refuser toute modification en fonction des circonstances et de l’équité.

Cette mécanique, souvent longue et technique, incite à anticiper dès la rédaction initiale du contrat, notamment en intégrant des clauses de hardship ou en précisant les modalités de réajustement.

Gavel et code civil sur un bureau en salle d

Ressources et conseils pour anticiper les risques contractuels à l’avenir

Quand l’incertitude plane, la première parade reste la même : sécuriser le contrat par des clauses claires et tournées vers l’avenir. Prévoyez des clauses d’imprévision ou de hardship pour encadrer les événements imprévus, comme la volatilité des matières premières ou l’instabilité internationale. Ces dispositifs, loin d’être accessoires, dessinent un cadre pour la renégociation et limitent le risque de contentieux interminables.

L’article 1104 du code civil rappelle que la bonne foi guide l’exécution et la renégociation : loyauté et transparence sont attendues lors de tout bouleversement majeur. L’article 1103 impose de respecter le contrat, mais offre, sous conditions, un espace de rééquilibrage raisonnable.

Dispositif Effet
Clause de hardship Formalise la procédure de révision en cas d’imprévision
Clause de comitologie Prévient les blocages par la création d’un comité ad hoc
Clause de révision automatique Permet un ajustement tarifaire indexé

La vigilance s’impose aussi lors de la négociation avec des parties considérées comme « faibles » : la jurisprudence, via l’article 1171, interdit les clauses créant un déséquilibre significatif. Il peut être judicieux de recourir à une expertise indépendante, à la médiation ou à l’arbitrage pour gérer les tensions. Enfin, un suivi attentif des évolutions jurisprudentielles et législatives renforce la solidité de la stratégie contractuelle, dans un contexte où l’imprévu s’installe durablement.

Prévoir l’imprévisible n’est plus une option : c’est une discipline qui s’impose à chaque signature. Qui saura transformer la contrainte en opportunité lors du prochain choc ?

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